LA CHAPELLE DE LA CALANQUE DE PORT-MIOU
Patrimoine cinématographique local (Suite)
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Marcel Pagnol et ses techniciens pendant le tournage de Naïs
Marcel Pagnol et ses techniciens pendant le tournage de Naïs
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L’usage des lieux
Le village n’y est cependant pas nommé. Ailleurs il s’appelle même Cadignan (dans Hercule), se fait passer pour Toulon (dans César et dans Les Misérables) ou Marseille (Fanny de Logan), transpose L’Estaque de Zola (dans Naïs), se donne comme littoral espagnol (dans Ruy Blas) et, dans Val d’Enfer, les carrières de Port-Miou se confondent grâce au montage avec celles de Châlon-sur-Saône !
C’est dire si la géographie des lieux peut être malmenée. D’un plan ou d’une séquence à l’autre, on passe en toute continuité apparente de Juan les Pins à la plage de l’Arène (Romarin), des Roches Plates à Callelongue (L’Affaire du Grand Hôtel) ou de Callelongue au parc d’une villa luxueuse (Mémoires d’un flic) !
Quant aux calanques, leur aspect sauvage, abrupt et à l’écart en fait un hors-lieu et hors-temps tout désigné pour remplir des fonctions fort diverses sous le signe de l’aventure, de la guerre ou du loisir.
Exotisme temporel et spatial : En Vau est le havre où de braves autochtones celtes et chevelus accueillent les Phocéens (Honoré de Marseille) mais tout aussi bien le gîte de sauvages cannibales (Les Cinq sous de Lavarède) ; les pentes de Marseilleveyre voient s’affronter des armées à la fin du XIXème dans l’Afrique de C’est arrivé à Aden, leur aridité les prédispose à voir s’échanger des coups de feu pendant la guerre d’Algérie (L’Insoumis) et deux palmiers transforment la descente sur Sugiton en vallon mexicain infernal (Le Salaire de la Peur) .
Seul moment authentique, l’arrivée à En Vau, lieu de clandestinité, d’un sous-marin anglais chargé de recueillir des résistants (L’Armée des Ombres).
Le noir et le solaire ici encore se mêlent : des meurtres se commettent sur les falaises de Canaille (Le Deuxième Souffle, Cap Canaille, Le Faux Pas), on liquide un cadavre dans la nuit de Sugiton (Le Passager de la Pluie), ses ennemis traquent Fantômas jusque dans En Vau. Mais à Port-Pin, au terme d’une balade radieuse en auto, les deux truands Roch Siffredi et François Capella célèbrent leur amitié au sortir d’un bain (Borsalino) et un malfrat s’en va à Riou draguer sa petite amie (Mémoires d’un Flic). Entre peur et rire, le vertige de Louis de Funès « sur un arbre perché ».
Prédestinées aux courses-poursuites, la Gineste (Sergil chez les filles, Cap Canaille) et surtout la Route des crêtes : depuis que Melville l’a élue pour sa longue, belle et dramatique embuscade du fourgon, son désert a servi à des rallies échevelés dans Marseille Contrat où un tueur à gages drague en voiture la jolie fille d’un trafiquant, dans Taxi 2 dont le générique illustre le brio au volant du héros ou encore dans le bien nommé L’Amour aux trousses.
Remarquons pour finir que, de Cigarettes, whisky et petites pépées en Stavisky et de Cap Canaille en Transporteur, c’est la Presqu’île d’où se développe la plus ample des vues sur la baie et où se découpent les visages sur fond de Cap et de bleu qui, au fil du temps et la couleur aidant, est choisie comme décor de prédilection. Quelques aperçus sur le paysage mais toujours fragmenté et asservi à l’action dramatique.
Les films décidément, même à Cassis, ne sauraient consentir à des pauses esthétiques.
Pierre Murat.