LA CHAPELLE DE LA CALANQUE DE PORT-MIOU
UNE FONTAINE ET UN DICTON
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"Car tau qu’a vist Paris, Coulègo, "Car tel a vu Paris, compagnons,
Se noun a vist Cassis, pou dire : N’ai rèn vist" S’il n’a vu Cassis, peut dire : je n’ai rien vu"
Ces vers de Mistral dans « Calendal » ont fait fortune jusqu’à figurer sur les pataches et les autobus desservant Cassis et devenir slogan touristique.
Mistral signale en note de son poème: « Ce fier dicton des pêcheurs de Cassis rappelle le proverbe andalous : « Quien no ha visto à Sevilla no ha visto à maravilla ».
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D’après Lucien Susini dans « Lettres de mon grenier », 1953 et Auguste Bérengier, « Lettres de noblesse des vins de Cassis », 1956, il semble qu’il prend son origine dans l’érection à Cassis à la fin du XVIIème siècle, sur la place Royale actuellement Place de la République, d’une fontaine reproduisant en réduction celle qui consacrait depuis 1686 à Paris les victoires de Louis XIV.
Monumentale, la fontaine parisienne était surmontée d’une statue du Roi-Soleil, œuvre de Martin Desjardins ; autour du piédestal quatre esclaves enchaînés symbolisaient les nations qu’il avait vaincues. Construite par un artiste inconnu, dépourvue d’une statue de la Victoire couronnant le Roi et d’un Cerbère qu’il foulait à ses pieds, la fontaine cassidenne, alimentée par l’eau de la source du Muret, la faisait couler par des mascarons, toujours en place, sur chacune de ses quatre faces.
L’orgueil local fit dire « Qui a vu la fontaine de Paris mais pas celle de Cassis n’a rien vu ».
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Las, la cassidenne perdit accidentellement sa statue en 1785 et la parisienne fut détruite en 1793. Serait donc resté un dicton amputé du mot « fontaine ».
Mais en 1738, soit bien avant l’accident, le géographe La Martinière l’attribue déjà aux « gens du pays » sous la forme : « Qui n’a vu Paris et Cassis, n’a rien vu en France » où le mot « fontaine » a (déjà ?) disparu. Il ajoute : « Cela se dit par raillerie, comme lorsque Bastogne mauvaise bourgade est qualifiée Paris en Ardennes ». Il s’agirait donc d’un exemple d’humour local.
En 1838, Georges Carstensen, rédacteur de « La Revue des Salons », s’en gausse en bon Parisien ; il souligne sarcastiquement l’opposition entre les deux villes, notant par exemple: « On fait des livres à Paris, on n’en fait pas à Cassis ; il y a de jolies grisettes à Paris, il n’y a que des femmes d’une beauté équivoque à Cassis ». Il conclut ainsi : « La vérité du proverbe ressort du côté moral que l’on peut faire entre les deux villes. Paris, c’est la vie qui reflète à la clarté du gaz dans les glaces des cafés et des boutiques, qui s’abreuve de poésie, de musique, qui se laisse emporter aux roues des omnibus, des chars numérotés. Cassis, c’est la vie image de la mort, la vie qui ignore les joies et les douleurs, qui n’a d’autre horizon que celui de la mer, horizon immense sans doute, mais tellement vaporeux, tellement indéfinissable, que tout y a des formes fantastiques, que tout y passe comme dans un songe. Voilà pourquoi celui qui a vu Paris et n’a pas vu Cassis n’a rien vu. »
Mistral, lui, a repris en 1867 le dicton avec le sérieux qu’imposait son chant.
Reste, fontaine ou pas dans le dicton, que la fontaine est toujours là. Amputée certes, mais toujours carrefour de vie du village et au débouché de la route venant de Marseille.
Cartes postales 1900 et peintres, ainsi Alexandre Benois en 1931, l’ont représentée à l’envi et sous tous les angles, surmontée d’un bouquet de mousses et de végétaux qui l’ornaient en place de la statue royale
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Carte Postale 1905, vue vers la rue Victor Hugo
Carte Postale 1905, vue vers la rue Victor Autheman