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PORT-MIOU, DE LA MADRAGUE AU « CHATEAU »

Port-Miou-madrague

Longue de plus de 1.400m et d’une profondeur à son embouchure d’environ 12 m, la calanque est très bien protégée du vent d’est et du Mistral, complètement enserrée entre deux promontoires : le Cap Cable (anciennement Cap Cavalha) à l’est et le Cap Cacaù (anciennement Cap Caù) à l’ouest .

Raphaël Ponson, vues dans les années 1880 de la calanque sinueuse, de sa plage et, au fond, de la « Petite Mer » désormais remblayée et devenue parking.

La dénomination de la calanque a beaucoup évolué dans le temps, puisqu’on retrouve :

- Portum Mines

- Portmil en 1311

- Portus Milii en 1390

- Port Miol en 1486

- Port Mieu en 1501

- Pro-miou en 1556

Puis Pour-roumiou, Pormiou, Promiou, Portus-Melior, Portum Melonis, et Portus Milonis voire Promiloulx et enfin Promieu en 1715.

 

Si l’on en croit l’étymologie habituellement acceptée (« Portus Melior »), ce « meilleur port », du fait de l’abri qu’offrait sa longue calanque aux pêcheurs d’antan et aux navires de commerce à voile, a connu une longue histoire.

C’est là qu’aboutissait dans l’antiquité le chemin tortueux et montueux qui, depuis Marseille et au long de Malvallon et de Gorgelongue les bien nommées, permettait de rejoindre, via le Bestouan, le village de Cassis. C’est là que, en octobre 1376, ramenant le Saint Siège d’Avignon à Rome, la flotte du pape Grégoire XI fut forcée par la tempête de se réfugier. Et, jusqu’à ce qu’en 1624 le port de Cassis soit doté d’un môle protecteur, la calanque fut un havre privilégié.

Dépendant au Moyen-Age du seigneur des Baux puis passant à l’Evêché de Marseille, elle devient au XVème siècle domaine royal.

Au XVIIème, après bien des privilèges accordés à des notables, les pêcheurs finissent par obtenir que la calanque entre dans le domaine de la prud’homie de Cassis ainsi que d’y faire eux-mêmes une madrague pour pêcher le thon.

LA MADRAGUE 

Le nom provençal "madrago" vient directement du grec "Mandra-ago" (abri, petit port) et a été attribué non seulement au lieu mais aussi au type de filet propre à cette pêche spectaculaire pratiquée depuis l’antiquité.

 

 

Une madrague est un filet de pêche fixe conçu pour la pêche aux thons migrant régulièrement en longeant certaines cotes, en particulier, des thons rouges, mais elle peut capturer d’autres espèces, germon, bonite, pélamide ou espadon. Il est composé d’un ensemble de filets divisé en 4 chambres communiquant entre elles.  Pris au piège de la première chambre, les poissons passent ensuite de l'une à l'autre jusqu'à la dernière appelée "chambre de la mort". Le filet de fond est alors soulevé qui les fait remonter à fleur d'eau ; ils sont assommés et harponnés pour être hissés à bord des bateaux.

Cette pêche relevait d’un privilège détenu par les seigneurs locaux. Un contrat de la ferme de la Madrague de Port-Miou en date du 28/04/1711 pose des limites : «  Le dit fermier ne pourra empêcher l’entrée ou la sortie des bâtiments de mer du dit port de Port-Miou directement ni indirectement, ni de pécher dans celui-ci  depuis l’aigue doux jusqu’à La Culatte pendant que la dite madrague sera calée, pas moins la pêche aux eissaugues ou sardinaus long la cote au lieu ordinaire, savoir les aissaugues jusqu’au lieu de Guagassan ou les Sardinaux depuis Cassis jusque vers la madrague. » Mais diverses correspondances (05/1782 – 08/1785) attestent des dommages causées par l’exploitation des carrières (chutes de pierres dans la mer) de la Cacaù et du Cap Cable sur la madrague et de la peur des poissons qui se raréfient. Un autre bail à ferme du poste de La Madrague en date du 23/01/1784 « nomme ICARD Jean-Pierre « Rey de La Madrague », soit son patron. Le cadastre napoléonien établi à Cassis en 1811 précise l’affectation du  lieu.

Des propriétaires successifs

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Sous la pression des pêcheurs et en raison des privilèges qui y étaient attachés, la madrague est supprimée en 1851. Le lieu qui reste pendant trente ans propriété des Domaines  est mis à trois reprises en vente aux enchères (ci-contre le descriptif du bâtiment qui servait d’abri aux pêcheurs et de stockage de leur matériel, extrait du registre des arrêtés de la première vente).  Les pêcheurs n’ayant pas les ressources pour l’acquérir, il devient le 29 août 1857 la propriété de Louis Pascal Adrien CASTAN, négociant marseillais résidant à Cagliari en Sardaigne. Celui-ci décédant en 1861, c’est en 1865 que se porte acquéreur Gustave Albert Léon Marquis de FESQUES DE LA ROCHEBOUSSEAU (Paris, 1827- Marseille, 1897).

Il est le lointain descendant d’une ancienne maison de chevalerie qui remonte à un écuyer du XIVème siècle, Jean de Fesques, seigneur de Chartrigny et de Paillé. Sa famille, originaire d’Anjou, de Beauce et de Normandie s’est surtout établie du côté de la Loire comme le montre cet arbre généalogique. Le marquis ayant sollicité le 10/02/1868 l’autorisation de créer  un établissement à « l’élève et à la reproduction des huitres, moules et autres coquillages », un tel établissement barrait l’accès de la calanque aux pécheurs (il y eut 82 oppositions représentant à peu près l’unanimité des pécheurs du syndicat de Cassis).

L’amodiation prévue (ci-contre) fut donc rejetée. D’où une nouvelle vente aux enchères en Août 1878. La maison et le terre-plein reviennent à Paul Joseph Antoine BOUDE, négociant en soufre à Marseille qui va poursuivre une série d’acquisition de terrains, rochers, collines, bois, et broussaille dans le quartier de Port-Miou (Fontasse, Cacaù, ancienne caserne des douanes).

La construction et le terre-plein seront revendus le 22/07/1896 à la société industrielle belge SOLVAY. C’est le démarrage de l’activité « industrielle » de l’exploitation de la pierre de la calanque. Port-Miou, durant quatre-vingt-cinq ans (1896-1981), aura vécu chaque après-midi, aux alentours de 16h30, au rythme du même rituel : «Un coup de sirène strident, un intervalle de silence, un boum sonore», celui de la dynamite. Désormais, le silence est le maître et la végétation reprend ses droits.

 

Nous voici donc au « château » qu’on appelait « la villa Boude » désormais pourvu (mais  par qui, Boude ou Fesques ?) d’une tour à chapeau pointu et rouge. Elle confère un brin de noblesse à un bâtiment qui a servi tour à tour de logement du personnel et de bureaux.

L’ample manifestation du 13 mars 1910 contre la destruction de la calanque n’aura pas d’effet.

Une restauration réussie  

 

Après la fermeture de la carrière puis l’annulation d’un bail emphytéotique concédé à un Lyonnais qui privatisait la calanque, celle-ci étant progressivement devenue un port de plaisance fort encombré, il restait à la Mairie, désormais propriétaire, à la faire figurer dans la zone adjacente du « Parc Naturel des Calanques » tout en réglementant son accès. Le « château » dès lors peut prendre de nouvelles fonctions : Capitainerie du port et porte d’entrée du Parc. D’où sa récente réhabilitation. Son toit retrouve ses couleurs et sont préservés gargouilles en bois et motif ornemental.

Avant

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Pendant

 

Et après restauration

Pierre MURAT 

André JAYNE

Photos : Pierre MURAT

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