LA CHAPELLE DE LA CALANQUE DE PORT-MIOU
Dans son abondante production (10 volumes de poésies, 20 de traductions, 4 de contes et essais, et
8 romans), plusieurs ouvrages rendent hommage à Cassis. Ce sont d’abord des poèmes datés de 1909, 1915 et 1919 parus dans les recueils « Aux libres jardins » (1922) et « Paralipoména » (1926) que traversent non sans quelque emphase d’époque maints hymnes semés de majuscules au « dieu Soleil », à « l’Azur » et à ses « torrides ferveurs ».
1922 Aux Libres Jardins,
« RETOURS II
Chemineaux ivres de soleil, de raisins blonds
Et de figues, chipées au bord des routes blanches.
C’est le retour, à l’heure calme où dans les branches,
Des pins volent les chauves-souris, papillons.
Le couchant, au profil apaisé des montagnes,
S’épanche, rose et vert, à l’horizon marin,
Et la paisible lune emplit le ciel serein
Sur la falaise en cuivre rouge du Canaille.
Dans la vallée, parmi ces jardins salue, Chère,
Notre rose maison, entre nos oliviers,
Où nous attend, pensif, le destin familier...
O délice du soir! O lampe solitaire!
Tandis qu’au piano tu vas multiplier
Soleils et golfes bleus, il me faut faire, -Azur!-
Avec tout ce beau jour de la Littérature! » (p. 79)
ANTINOMIES
« … Je suis, en vérité, ici et là;
Plus de barrière entre le moi et le non-moi:
Je suis l’insecte sur ce brin de romarin,
Et je suis cette fleur et cette feuille, -un monde !...
Libre de l’existence égoïste: le Monde.
Cassis 1919 » (p. 178)
1926 PARALIPOMENA, éd. Crès, Paris
De ce recueil qui rebrasse ses thèmes favoris, nous isolons ici quelques vers.
SIESTE
Midi : Ciel d’outremer, rocs calcaires en feu,
Oliviers secs et pins grésillant de cigales.
Devant le golfe, mer héroïquement bleue
Qu’exaspère, écran vert, un pin, de son branchage,
Au plein soleil sculptant ma chair en corps heureux
Et nu, et fauve, et de lumière corrodé
Ainsi que la falaise ardente du Canaille,
L’immuable prison des trop belles montagnes
Serre ma sieste au cœur de l’éternel été. /…/
Voici le golfe, mer olympienne et bleue
Où brasille, héroïque, un fleuve de soleil… (Cassis, 1909)
DEVANT LE PROMONTOIRE
Pas un souffle. Au plus haut des falaises je songe.
Net, sur la mer plaquée de lapis-lazuli,
Monte, tranchant l’azur en crue polychromie,
Fauve et vert, le plus beau promontoire du monde.
Connais-tu, chemineau, d’aveugles nostalgies
Que la sérénité de ces splendeurs n’apaise ? / …/
Dans ma stalle de roc que l’âpre soleil ronge,
J’aiguise contre toi, Promontoire ! mon songe… (Cassis)
SANS TITRE
… Souviens–toi, ma bacchante,
Des paresses voluptueuses sous les pins,
Et leur ombre frôlant ton bras et tes seins nus,
Redis, sur les rocs blancs de nos libres calanques,
Ton rire clair, bel éphèbe ingénu
Ivre de solitude et d’horizon marin … (Paris, janvier 1915)
HIVER
… Sieste. Et le haut soleil régnant, opium heureux,
Sur les rocs calcinés que baise la mer bleue…
S’échevèlent, sirénéennes, les algues
Que mon rêve alangui caresse avec les vagues.
– Vivre une fois encore, seul paradis, l’Eté ! –
Grincements de goélands, grelots d’or des cigales.
Par-dessus l’archipel chaotique des blocs
Fauves, tombés jadis de son front surplombant,
Le promontoire, au zénith nuptial d’églogue,
Tend vers l’horizon bleu son poitrail d’ocre ardente.
Midi. Toute la mer de lumière crépite ;
Et le soleil plénier et la brise marine
Enivrent tour à tour ma chair préhistorique
De fraîcheur caressante et d’ardeur immobile. /…/
–O Dormeuse ! au soleil sur le roc resplendit,
Panique et nue, pâmée d’immobile Midi,
Souriant aux cigales, ta pose abandonnée…
Sera-t-il donc possible,
Hors le travail stupide et le rêve imbécile,
Jusqu’à tes paradis, Eté, d’encore vivre ?
ASILE
Suprême asile hors de l’Histoire irrespirable,
Rustique mas ! – de notre vie aux quatre vents,
De notre vie inimitable,
Il ne nous reste plus que tes arpents secrets. /…/
Tout à l’Instant ! Goûtons les heures précieuses…
Ce bois inviolé de nos pins toujours verts,
Nos arpents d’oliviers, de vignes et d’yeuses,
Et ces cailloux tiédis par le soleil élu,
Ce domaine ouvert au serein azur
Qu’aiguise le profil des collines calcaires,
Cet univers empli d’une vie ingénue,
N’est-il, ô seule Aimée, le plus beau de la terre ?... (Cassis, 1915)